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26ème colloque de l’ALEPH et du CP-ALEPH

22 mars 2025 : 9h30 à 18h00

Les sœurs, les amies. Psychanalyse des petites filles

Dans l’histoire de la psychanalyse, on a beaucoup plus parlé des frères que des sœurs. 

Ainsi, dans Totem et Tabou (Freud, 1913), la rivalité mortelle des fils du père de la horde primitive les conduit à tuer le père pour se partager ses femmes, avant d’y renoncer tous ensemble pour coexister dans un ordre phallique et policé. Il n’y est pas question des sœurs, qui font évidemment, « naturellement » partie des femmes à posséder. Or la question se pose, comme le montre par exemple le film Les Proies de Sofia Coppola (US, 2017), dans lequel les jeunes filles d’un pensionnat et leur directrice désirent toutes le même homme, et trouvent la solution de leur rivalité dans la « castration » et la mise à mort commune de celui qu’elles convoitaient1 . Faudrait-il alors écrire une nouvelle version de Totem et Tabou pour les sœurs ? Quel rôle y jouerait l’invidia2, l’envie, parfois mortelle, de ce que possède le semblable, corrélative de l’identification spéculaire à l’image de l’autre et des relations d’intrusion dans la fratrie au « stade du miroir » ? Existe-t-il une spécificité de l’invidia entre sœurs, de l’envie du frère pour la sœur ? 

Freud s’est intéressé très tôt aux communautés féminines. C’est dans un pensionnat qu’il découvre un lien social différent de l’amour ou de l’amitié : l’identification hystérique, qu’il avait déjà abordée en 1905 avec le célèbre rêve de « la belle bouchère ». Une élève reçoit du garçon qu’elle aime en secret une lettre qui aiguise sa jalousie. Elle y réagit par une violente crise d’hystérie, bientôt imitée par ses camarades. Freud explique cette étonnante « contagion psychique » par une identification fondée sur le partage de la même situation3 : il ne s’agit nullement d’une compassion envers leur camarade malheureuse mais de l’appropriation d’un même désir, dût-il rester insatisfait. Chacune aimerait avoir les mêmes raisons de pleurer que sa camarade ! Freud note que cette identification par le symptôme – identification du manque au manque -, précisera Lacan, ne suppose aucun lien préexistant, bien au contraire elle le crée et peut donc être à la racine d’amitiés et d’amours féminines.

Dans la psychanalyse, celles-ci ont plutôt été abordées dans le cadre de l’homosexualité féminine, habituelle à l’adolescence. Freud, qui avait d’abord fait de la petite fille un petit garçon, prône ensuite une genèse de la sexualité féminine articulée à la relation préœdipienne à la mère. L’homosexualité féminine devient alors un avatar de la sortie féminine de l’Œdipe : après avoir constaté que sa mère ne possède pas plus qu’elle le phallus convoité, la petite fille s’est tournée vers son père mais elle préfère s’identifier à lui afin de s’emparer de son phallus plutôt que d’attendre de son père un don qui pourrait bien ne jamais arriver. Ainsi armée phalliquement, sa libido la dirige amoureusement vers une autre femme. Les analystes post-freudiens ont critiqué cette théorie simpliste, notamment Ernest Jones, mais aussi des femmes psychanalystes et élèves de Freud, ou des féministes qui jugeaient douteuse cette gloutonnerie phallique4.

Lacan a voulu sortir, non pas du cadre phallique mais de son totalitarisme freudien, pour aborder la sexualité féminine en reprenant d’Aristote le concept logique du « pas-tout », qui introduit dans ses « formules de la sexuation5 » des années soixante-dix une spécificité de la jouissance et du désir féminins « pas-tout » phalliques. Peut-on en déduire un nouvel abord de la psychanalyse des petites filles ? Comment prendre en compte l’influence du « pas-tout » sur les sœurs ? sur les amies ? 

Mais on peut aussi refuser théoriquement et cliniquement toute référence au phallus et donc au « pas-tout », pour proposer d’autres abords dont nous aimerions également débattre dans ce colloque. 

Initialement dérivée du féminisme des années soixante-dix, « la sororité » est devenue un nouvel idéal du lien social qui a pris une ampleur considérable avec la récente vague mondiale du MeToo6. Comment l’articuler à la psychanalyse contemporaine à partir de la clinique ancienne ou contemporaine, à partir de productions artistiques, littéraires, philosophiques, politiques

1 Sigmund Freud, Totem et tabou (1913), Paris, Petite bibliothèque Payot, 1986 ; Geneviève Morel, « Les Proies. À propos du film de Sofia Coppola. », Savoirs et clinique, n°27, Toulouse, Érès, p.109-111. 

2 Jacques Lacan, « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu » (1938) in Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.23-84.

3 Sigmund Freud, Psychologie des foules et analyse du moi (1921), Paris, Payot, 2012, p.70. Sigmund Freud , L’interprétation du rêve (1905) , trad. J.-P. Lefebvre, Paris, Seuil, 2010, p. 186-187.

4 Marie-Christine Hamon, Pourquoi les femmes aiment-elles les hommes et non pas plutôt leur mère ?, Paris, Seuil, 1992.

5 Jacques Lacan, Le Séminaire, livre XX, Encore (1972-1973), Paris, Seuil, 1975, p. 73.

6 Silvia Lippi, Patrice Maniglier, Sœurs. Pour une psychanalyse féministe, Paris, Seuil, 2023. 

 

Détails

Date :
22 mars 2025
Heure :
9h30 à 18h00
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Lieu

Théâtre de la Verrière à Lille
28 Rue Alphonse Mercie
Lille, 59800 France
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