Séminaire théorique, Déconstruction psychanalytique du sexe
11 janvier 2025 : 14h30 à 16h00
Frédéric Yvan
Que peut signifier l’expression « homme déconstruit » ? Peut-on s’en tenir aux définitions, généralement exprimées, qui relèvent du comportement et des attitudes – c’est-à-dire de l’imaginaire ? Du point de vue de la théorie philosophique de la déconstruction il ne peut y avoir de déconstruction que d’un couple oppositionnel et la déconstruction de l’homme relève nécessairement de celle de l’opposition homme / femme ; et selon un processus qui ne peut tenir d’une méthode ni d’un protocole – de type comportementaliste par exemple. En effet, le terme de « déconstruction » est issu de la pensée du philosophe Jacques Derrida. Déconstruire consiste en la tentative de dépassement d’oppositions binaires d’origine métaphysique (nature / culture, présence / absence, parole / écriture, ici / ailleurs, corps / âme, etc.) et du rapport hiérarchique violent que produisent ces oppositions. Mais la déconstruction, comme insiste Derrida, n’est pas une méthode : « Derrida fait très attention à éviter l’emploi du terme « méthode » parce qu’il charrie les connotations d’une forme procédurale de jugement. Un penseur doté d’une méthode a déjà décidé comment procéder […].» ¹
N’est-ce pas là, en partie, un des enjeux de la psychanalyse : tout sujet qui s’engage dans une analyse n’est-il pas amené à interroger son rapport à la masculinité et à la féminité ? Si Freud a écrit « l’anatomie c’est le destin »² , il n’était pourtant pas sans observer les incertitudes de l’identité sexuelle de ses analysants et les théoriser. Ainsi de sa patiente Dora qui fait l’homme – auquel elle accorde un savoir sur la femme – parce qu’elle s’identifie à lui afin d’adopter son point de vue pour chercher à saisir ce qu’est la femme. Dora se maintient au niveau des identifications pour chercher à saisir ce qu’il en est de l’être-femme. En ce sens, si Dora est hétérosexuelle, au sens commun du terme, Lacan théorisera qu’elle est « homosexuelle»³ en instaurant un lien entre hommes, puisqu’elle est elle-même identifiée à un homme.
Il ne s’agit donc pas seulement ici de la question du genre ; même si les théoriciens des gender studies s’éloignent de tout essentialisme ou de tout naturalisme : le genre ne se détermine ni d’une essence masculine ni d’une essence féminine, ni même du corps dans ses caractéristiques biologiques. C’est plus précisément le réel des sexes qui est en jeu dans ce questionnement. La psychanalyse pose le problème du sexe du point de vue de la relation du sujet à l’autre qu’il soit homme ou femme. Lacan distingue d’ailleurs en ce sens la « relation » du « rapport » : qu’il y ait des relations sexuelles n’implique pas qu’il existe un rapport logique entre les sexes.
Pour éclairer la déconstruction du sexe du point de vue de la psychanalyse, nous nous attacherons plus précisément à distinguer le genre du sexe en nous intéressant au parcours de la sexuation qui va de Freud – à partir des Trois Essais sur la théorie sexuelle (1905-1915) – à la logique de la sexuation établie par Lacan
1 R. Beardsworth, Derrida and the political, New York, Routledge, 1996.
2 S. Freud, « La disparition du complexe d’Œdipe » (1923), La vie sexuelle, Paris, PUF, 1969.
3 J. Lacan, Le Séminaire, livre XX, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Le Seuil, 1975.
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